En écho aux autres rendez-vous consacrés à la ville et aux cultures urbaines qui se déclinent dans la programmation culturelle depuis plusieurs mois, nous vous proposons un zomm sur l'une des musiques urbaines les plus emblématiques, le rap.
En 1973 à New York, DJ Kool Herc importe de Jamaïque le principe des Sound Systems, des systèmes de sonorisation ambulants permettant de faire la fête dans la rue. Le funk, et bientôt la disco, sont alors les musiques dominantes. DJ Kool Herc a alors l’idée d’utiliser deux exemplaires d’un même 33-tours, afin que les passages rythmés d’un même morceau tournent en boucle. D’autres DJ vont lui emboîter le pas et sophistiquer la technique du DJing, notamment avec le scratch qui ralentit la lecture d’un passage pour en sortir des sonorités improbables.
Inspirés par les rythmes qui émergent de ce nouveau genre musical – qui n’est pas encore perçu comme tel – les danseurs de rue improvisent des figures acrobatiques qui vont rapidement évoluer en de véritables chorégraphies, jetant les bases de la breakdance, ou danse hip hop.
En parallèle, les DJ de rue deviennent des Masters of Ceremony (MC) : haranguant et chauffant le public, ils se lancent dans de longues déclamations avec un débit rapide, qui ne tarderont pas à évoluer en joutes verbales, qui accompagnent et renforcent l’impact des disques passés. Ce sera le rap (le verbe anglais signifie frapper, cogner), il donnera un nom à cette musique.
Et enfin, l’émergence de ces événements dans les rues du Bronx coïncide avec la culture naissante du graffiti, toujours à New York, consistant à barbouiller les ponts, les métros et les murs avec des bombes de peinture. Cette pratique n’a au départ aucun point commun avec les trois autres, mais ses adeptes partagent avec les DJ une posture de "do-it-yourself", et ne vont pas tarder à se rapprocher d’eux.
Ainsi est née la culture hip-hop, dont la musique n’est que l’un des quatre piliers. Et dès le départ, l’émulation, le défi et l’affrontement seront au cœur de ces quatre disciplines. De par ses origines-mêmes, cette musique tardera à rencontrer la forme de l’album studio, et les premiers enregistrements de 45-tours attendront la fin des années 70. Kurtis Blow, la première star du rap, et Grandmaster Flash, le premier avec son single The Message à utiliser le rap pour chroniquer la réalité sociale des ghettos urbains noirs-américains, sont les premiers, au tournant des années 70 et 80, à rencontrer le succès enregistré et à lancer l’âge d’or du rap, par le biais de la radio notamment, puis par une internationalisation croissante de ce succès.
Le rap a rapidement épousé des revendications sociales qui furent également portées par des émeutes violentes dont il constitua la bande originale, et par ailleurs la biographie personnelle de nombre de rappeurs n’est pas que reluisante. Néanmoins, le rap, et la culture hip hop au sens large, méritent mieux que leur caricature, ils méritent mieux que leurs déclinaisons sous des formes appauvries qui ont essaimé, en France comme ailleurs, au tournant de deux siècles. Aujourd’hui encore, de formidables artistes font vivre et évoluer le rap, ils en élargissent le champ, en redéfinissent les contours. Nous vous invitons à découvrir ces artistes, ainsi que leurs prédécesseurs, dans cette sélection qui revisite les désormais quatre décennies d’existence du rap.