La médiathèque vous propose une rentrée “science-fiction” dédiée au space opera avec de beaux romans, BD à découvrir, projection d’un grand film classique du cinéma SF, lectures pour les enfants, quizz...
Le space opera, c’est quoi ?
Le space opera est un sous-genre de la science fiction caractérisé par des histoires épiques ou dramatiques se déroulant à l’échelle de l’univers, dans un cadre géopolitique complexe et mettant souvent en scène l’exploration de planètes lointaines, des races extraterrestres, des guerres intergalactiques... Genre en apparence monolithique, celui-ci peut se révéler en réalité extrêmement varié. Selon les auteurs en effet, le space opera peut aussi bien rimer avec aventure et exotisme qu’avec introspection ou réalisme scientifique.
Née dans les années 40 aux États-Unis, « space opera » fut d'abord une expression péjorative qui désignaient des romans médiocres utilisant les clichés du récit d'aventure ou du western transposés dans l'espace.
Le genre a ensuite gagné ses lettres de noblesse grâce à de grands auteurs campant des personnages complexes et affichant une plus grande ambition littéraire et surtout une réelle portée politique et philosophique.
Le premier écrivain à avoir posé les jalons du genre est Edmond Hamilton avec la série des « Capitaine Futur » (adaptée plus tard en dessin animé pour la jeunesse sous le nom de Capitaine Flam). Le premier roman de la série (L’Empereur de l’espace, en 1940) réunit tous les ingrédients du space opera : aventure épique avec un héros récurrent, cité impériale stellaire, souverain machiavélique, princesse, combats spatiaux, intrigue politique, tout en gardant des qualités d’écriture notables.
Les années 50 sont dominées, toujours chez les Américains, par deux œuvres marquantes. La première (Le Pont sur les étoiles, de James E. Gunn & Jack Williamson, 1955) imagine un futur ou des vaisseaux spatiaux peuvent passer d’une planète à l’autre grâce à des tubes inter-dimensionnel. Récit épique, style recherché, puissance évocatrice visionnaire et parfois âpre, ce roman est reconnu comme l’un des premiers chefs-d’œuvre du space opera. La seconde (Étoiles, garde à vous, de Robert Henlein, 1959) préfigure un space opera guerrier et spectaculaire, développant clairement des valeurs anticommunistes et conservatrices. Étoiles, garde à vous fut adapté au cinéma par Paul Verhoeven sous une forme volontairement acide et ironique, sous le nom original : Starship Trooper.
A partir des années 60, avec les mouvements de contestation de la gauche américaine, les romanciers cherchent à transposer dans la science-fiction les problèmes de leur temps. Les romans relevant du space opera deviennent plus recherchés et ambitieux. Ainsi Dune de Franck Herbert (1965), inaugure une longue série de romans qui pose le problème de la façon dont l'homme peut vivre en symbiose avec son environnement ou au contraire l'exploiter de façon aveugle, et aborde très largement la complexité de la gouvernance d'un univers immense. Une autre œuvre phare de cette période est le Cycle de Fondation d’Isaac Asimov (1966). Dans un univers galactique situé dans le futur, Hari Seldon, inventeur de la psychohistoire (science se basant sur les statistiques), prédit la chute de l'empire, chute qui sera suivie de 30 000 ans de barbarie due au déclin de la science et des connaissances. Afin de contrer cet événement inéluctable et réduire à 1000 ans seulement cette régression, il crée une Fondation dont le rôle sera de rassembler le savoir de toute l'humanité sur "Terminus", petite planète à l'extrémité de la Galaxie. Magnifique épopée humaniste, Fondation est l’une des œuvres majeures de la science-fiction. La fin des années 60 voit l’apparition d’autres romans notables comme Le Cycle de Tchai (1968-1970), de Jack Vance, un auteur qui s’est rendu célèbre par son style épique et picaresque et par la variété des races et des cultures extraterrestres toujours cohérentes qu'il invente. Ses récits, s’ils abordent le voyage intergalactique, privilégient surtout l’aventure et le dépaysement et se focalisent souvent sur l’exploration d’une planète démesurée, au point qu’on a pu parler à son sujet de « planet opera » (cf. La Planète géante, du même auteur).
Au cours des années 70 et 80, avec le succès du film Star Wars qui a emmené le space opera auprès du grand public, le genre prend un nouvel essor. En France, certains auteurs, comme Jean-Pierre Andrevon, avaient flirté avec le space opera dès les années 70 avec plusieurs romans comme La Guerre des Grulls ou Le Dieu de Lumière (réunis dans l’anthologie Très loin de la terre). En Angleterre, Iain M. Banks propose en 1987 le monumental Cycle de Culture, qui comprend plusieurs romans pouvant se lire indépendamment. Tout comme chez Asimov ou Franck Herbert, ses romans sont passionnants et développent une vision politique et humaniste à l’échelle galactique.
Les années 90 sont marquées par un pur chef-d’œuvre : le Cycle d’Hypérion, de l’américain Dan Simmons, un cycle de romans d’une richesse jamais atteinte encore dans le space opera, doublée d’une grande qualité d’écriture. Dans son roman Un Feu sur l’abîme (prix Hugo 1993), Vernor Vinge développe quant à lui un récit où le sort de l’univers est menacé par une intelligence artificielle démoniaque. En France, Pierre Bordage renouvelle le space opera avec Les Guerriers du silence, une série de trois romans très remarqués, riches en péripéties et en personnages inoubliables, où perce la salutaire colère de l’auteur pour tous les régimes totalitaires (et notamment le fanatisme religieux). Dans Destinations ténèbres, Frank M. Robinson propose un roman fascinant sous forme de huis clos, narrant les relations complexes et dramatiques se nouant entre des personnages enfermés dans un vaisseau spatial gigantesque lancé au cœur de l’infini.
Depuis les années 2000, malgré la concurrence écrasante de la fantasy, le space opera reste plus que jamais vivace, diversifié et riche d’actualité :
L’anglais Peter Hamilton, avec La Saga du Commonwealth propose un space opera ambitieux, à la fois épique et plausible scientifiquement. En France, Laurent Genefort s’est rendu célèbre en mêlant space opera et fantasy (Le Cycle d’Omale), tandis que nombre d’auteurs utilisent à présent le genre comme levier pour parler de problématiques très actuelles.
Ainsi, dans L'Incivilité des fantômes, l’écrivaine militante et non binaire Rivers Solomon, sur une trame de space opera classique (La Terre est devenue si inhabitable que les humains ont dû la quitter à bord d’un vaisseau-monde en quête d’un nouveau foyer) traite en réalité du racisme et des minorités sexuelles aux États-Unis. Le féminisme est aussi très présent dans certains romans de Mary Robinette Kowal, comme Vers les étoiles ou encore Lady astronaute (un recueil de nouvelles), où nous suivons notamment le parcours du combattant d’une jeune femme pour arriver à faire partie de l’équipage d’un vaisseau spatial.
Ce qui n’empêche pas les auteurs de proposer toujours des récits classiques de space opera. Ainsi Romain Lucazeau, avec les deux tomes de Latium (2016), peint une fresque spatiale ambitieuse et philosophique pleine de rebondissements, tandis que Seul sur Mars (2014), de Andy Weir (porté à l’écran en 2015 par Riddley Scott) nous montre le combat et l’ingéniosité d’un astronaute pour survivre dans un milieu hostile, redonnant ainsi au space opera des allures de survivor.
Bref, même si vous êtes réfractaires à la science-fiction, vous découvrirez pourtant qu’il existe forcément un roman de space opera qui vous enthousiasmera, qui vous fera voyager et… qui n’attend que vous !!!
Très bonnes lectures !
Jean-Luc, responsable BD / littératures de l'Imaginaire