« Le Grand Meaulnes » d’Alain-Fournier est un livre que j’ai découvert très jeune et que j’ai lu plusieurs fois. À chaque lecture, je suis intriguée, transportée comme lors d’un voyage par cette œuvre dont j’aime particulièrement l’écriture riche d’une profonde sensibilité.
Publié en 1913, ce roman raconte comment l'arrivée d’un adolescent de dix-sept ans, Augustin Meaulnes, va totalement bouleverser l'existence de François Seurel, fils d'un instituteur de Sainte-Agathe, une école primaire de Sologne.
Je me souviens du premier passage lu par mon institutrice de CM2 qui avait retenu toute mon attention et qui m'avait beaucoup émue :
« Mais quelqu’un est venu qui m’a enlevé à tous ces plaisirs d’enfant paisible.
Quelqu'un a soufflé la bougie qui éclairait pour moi le doux visage maternel penché sur le repas du soir.
Quelqu'un a éteint la lampe autour de laquelle nous étions une famille heureuse, à la nuit, lorsque mon père avait accroché les volets de bois aux portes vitrées.
Et celui-là, ce fut Augustin Meaulnes, que les autres élèves appelèrent bientôt le grand Meaulnes. »
Beaucoup de jeunes ne connaissent pas ce livre et cet auteur.
Aujourd’hui, si j’en avais un à recommander, ce serait celui-ci pour l’amitié de Meaulnes et François, mais aussi l’amour idéalisé pour une jeune femme rencontrée par Meaulnes; tout cet univers feutré et féerique sur le bonheur mais aussi le déchirement de ce que l’on perd et dans ce que l’on découvre.
Dans une lettre adressée à Jacques Rivière en avril 1910, Alain-Fournier écrit :
« Meaulnes, le grand Meaulnes, le héros de mon livre est un homme dont l’enfance fut trop belle.
Pendant toute son adolescence, il la traîne après lui. Mais il sait déjà que ce paradis ne peut plus être. Il a renoncé au bonheur. Il est dans le monde comme quelqu’un qui va s’en aller. Et le jour où le bonheur indéniable , inéluctable , se dresse devant lui , et appuie contre le sien son visage humain, le grand Meaulnes s’enfuit non par héroïsme mais par terreur, parce qu’il sait que la véritable joie n’est pas de ce monde.[...] Je ne sais pas si les idées que je viens de dire sont bien celles du livre, car le livre est un roman d’aventures...C’est le pays sans nom mais aussi le pays de tout le monde.»
La fin de cette lettre de l'auteur porte en elle tout le roman.
Catherine (lectrice du Comité de lecture)